Le journal d’une empotée #2 : une journée à l’esat
05 juin 2023
05 juin 2023
Il est 17h, je suis en train de finir mon travail tranquillement lorsque Pierre m’interpelle « tu peux venir plus tôt demain s’il te plait ? Ça serait pour nous aider pour le conditionnement, l’ESAT est fermé et Mathieu n’est pas là… ça va être le rush »
J’acquiesce et je me retrouve à peine 12h plus tard de nouveau à Nanterre pour préparer les commandes du jour. Certes plus ou moins réveillée mais toujours motivée ! Dans ma tête, la tâche qui m’attend est plutôt simple. En effet, pour moi, il suffit de mettre les trois bocaux en verre dans le petit pochon en tissus à l’effigie des Empotés, on ajoute ensuite un bout de pain, des couverts et une serviette en papier… et le tour est joué !
La réalité du terrain me rattrape vite. Je me rends compte rapidement que la tâche relève en fait plus d’une véritable gymnastique mentale : il y a 140 plateaux-repas à préparer ce matin-là et je découvre de minute en minute le nombre de choses auxquelles il faut penser et dont je ne m’étais même pas douté. Il faut aller chercher le pain, descendre dans les cuisines pour remonter les caisses des frigos puis redescendre, ne pas se tromper dans les menus, vérifier s’il y a des boissons, aller chercher les boissons, mettre le code couleur du plateau repas, faire les bons assemblages d’entrées de plats et de desserts, et surtout vérifier et re re vérifier !!!
Je suis plutôt ravie de commencer la journée par une activité sportive mais je me rends compte rapidement que mon côté empoté voir très très empoté ne me rend pas service. Comprenez-moi il ne faut absolument rien oublier, sinon c’est très mauvais pour notre image. Et moi oublier c’est ma spécialité… alors je passe un temps fou à vérifier.
Je commence à louer intérieurement les louanges de Mathieu qui s’occupe habituellement du conditionnement des petites commandes et je commence à me questionner sérieusement sur cet « ESAT » dont Pierre m’avait parlé la veille.
Au cours de ce vendredi matin de rush intense, tout le monde avait bien mentionné combien c’était dommage que l’ESAT soit fermé exceptionnellement ce jour-là… Intriguée, je décide d’enquêter
Et voilà ce que j’apprends : un ESAT (Etablissement de Service et d’Aide par le Travail) est un établissement ou un service médico-social qui accueille des travailleurs handicapés. Ces travailleurs y exercent une activité professionnelle et bénéficient de soutiens médico-sociaux adaptés. L’objectif d’un ESAT est donc de permettre aux personnes rencontrant des difficultés pour exercer une activité en milieu ordinaire d’accéder à une vie sociale et professionnelle.
L’ESAT avec lequel les Empotés travaillent est ouvert depuis depuis 2002 et accueille 91 travailleurs en situation de handicap. Il est situé dans le 13e arrondissement de Paris et propose des services tels que la mise sous pli, le mailing, le routage, le colisage, l’archivage, le classement et surtout le conditionnement !
De plus en plus intriguée, je décide alors d’en savoir plus en me rendant sur place.
C’est un jeudi matin sous un beau soleil de juin que je suis invitée à m’y rendre. Quand je rentre dans ce bâtiment, je suis surprise par l’atmosphère qui y règne, tout le monde est concentré sur sa tâche et malgré le bruit et les cartons vides qui s’empilent dans tous les sens, il dégage de ce lieu une sorte de sérénité.
Je suis accueillie par Kimi, la responsable de l’atelier. Je comprends vite qu’ici, elle est le chef d’orchestre. Elle est responsable de mettre au diapason tout le monde qui transite ici.
Je lui dépose les trois boxes remplies de pots à conditionner. Les couverts, les pochons, les boucles de cuir et les serviettes en papier sont heureusement déjà sur place. Exceptionnellement, comme je suis là et que j’aurais du mal à observer sans rien faire, il y a qu’un travailleur qui est là : Sophie. Nous voici, la commande sous les yeux, en train d’assembler les pots en fonction de ce qui est écrit, nous trions en trois pile les menus. Dit comme ça …ça a l’air plutôt simple. Mais en réalité, je vois Sophie qui a du mal à identifier le tempeh (soja fermenté à l’indonésienne) noté sur la commande parmi les pots. Je lui donne un coup de main discrètement… si elle savait qu’à peine deux semaines plus tôt moi aussi je n’avais strictement aucune idée de ce qu’était le tempeh et à quoi cela pouvait bien ressembler !
Nous sommes concentrées et Ophélie la stagiaire de l’ESAT vient nous donner un coup de main. La commande doit partir à 11h : il faut donc se dépêcher ! J’observe Sophie et j’apprécie sa concentration et le soin méticuleux qu’elle met dans son travail. Je peux vous dire qu’entre elle et moi la plus à même de casser un pot ou d’oublier le bout de pain : c’est clairement moi !
Après une bonne heure de travail nous avons fini. Et surtout les boxes sont prêtes à être livrées. Je repense au vendredi précédent, à Nanterre c’était le rush, il y en avait partout car les locaux ne sont pas faits pour une telle mission et nous étions sur-stressés d’oublier quelque chose. Ici les maîtres mots sont calme méthode et concentration. Quand je pose des questions aux travailleurs autour de moi je me rends compte à quel point ils aiment leur travail …Ils n’ont qu’un seul regret : ne pas pouvoir goûter aux bons petits plats que nous préparons !
Je rentre réjouie et contente d’avoir pu satisfaire ma curiosité et d’avoir fait de belles rencontres : ce partenariat avec l’ESAT a de belles années devant lui …
